Avoir un chien bien dans ses pattes !

Je croise beaucoup de chiens complètement inhibés ou à l’inverse très expansifs, il s’avère souvent que ces problèmes viennent d’un manque de confiance en soi du chien. J’entends déjà certains dire « un chien trop confiant est un chien mordeur », pourquoi le serait-il s’il entretient une relation de confiance avec son humain ? Personnellement mes chiens collaborent avec moi lorsque je leur demande quelque chose. La balance des interactions étant positive, ils me suivent lorsque je rentre de balade trop tôt à leur goût , tout au plus vont-ils ralentir le pas sur le chemin du retour pour exprimer leur mécontentement! Pourtant ce sont des chien-loups adoptés adultes en association.

Cette confiance en soi d’un chien s’acquiert à tout âge , et malgré un bon début de vie, il est nécessaire de la cultiver durant toute la vie du chien.

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Nazca et Iago qui jouent ensemble

 

  • L’arrivée du chien

Cette confiance se développe dès chiot, même si le tempérament de l’individu influence évidemment. Les conditions d’élevage et le travail effectué par l’éleveur permettent de partir sur de bonnes bases, surtout lorsque l’on a peu d’expérience dans le domaine canin.

Pour un chien arrivé récemment dans le foyer, il est judicieux de le laisser s’adapter tranquillement à votre mode de vie. Pour l’apprentissage, priorisons et laissons lui le temps d’apprendre à son rythme. Il est inutile de commencer par lui apprendre des tours, mieux vaut l’accompagner dans sa découverte de l’environnement et mettant progressivement en place les règles nécessaires à la vie dans notre société. Les apprentissages nécessaires selon moi sont : la propreté, la marche en laisse, le rappel, le fait d’être serein en présence de congénères et d’humains, le relax, le stop et le refus d’appâts.

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Eli sur un ponton

 

  • Les méthodes d’éducation

La méthode d’éducation influence la confiance en lui qu’aura le chien, si l’on le félicite lorsqu’il agit correctement elle va augmenter, à l’inverse s’il est contraint en permanence, elle va diminuer. Il est évident que je préconise l’éducation positive, elle nécessite du temps et une adaptation au chien, mais c’est pour moi la garantie d’un lien de confiance entre l’humain et le chien. Dans l’éducation positive, il existe différents courants, et pour un même comportement, tel que le rappel, il existe plusieurs méthodes d’apprentissages. Il est nécessaire pour appliquer une éducation respectueuse de pouvoir aménager l’environnement (on ne laisse pas traîner son nouveau sac en cuir à portée de crocs d’un chiot), d’établir un plan d’action et de prendre son temps pour l’apprentissage (compliqué d’avoir un chiot de 8 mois en liberté en centre-ville). Pour établir un plan d’action, il faut connaître son objectif, poser des jalons (étapes), choisir une méthode et analyser. L’analyse permettra de mettre en lumière les soucis rencontrés, que l’objectif ait été atteint ou non . Grâce à la connaissance de ces soucis, on adaptera les prochains apprentissages. L’éducation d’un chien nécessite une remise en question permanente.

Pour les chiens très craintifs, il ne faut pas hésiter à mettre en place des protocoles ritualisés pour chaque moment de la journée. Ainsi le chien saura exactement ce qui va se passer, et ça lui permettra d’être plus serein, et moins stressé sur le long terme.

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Lima qui travaille sa proprioception

 

  • Les expériences positives

Dès l’arrivée du chien il faut que les expériences qu’il vive lui soient bénéfiques, en aménageant l’environnement pour éviter de le contenir, et lui permettre une exploration sécurisée. En explorant de manière autonome, le chien va pouvoir s’approprier l’environnement. S’il est stoppé régulièrement car « touche pas à ça », « attention à ta queue », « ne mange pas ça » il va avoir plus de mal à s’adapter au changement et à considérer son nouveau foyer comme un lieu sécuritaire où se ressourcer.

Il est bon de proposer régulièrement au chien de nouvelles expériences adaptées à son niveau. Ce qui signifie des expériences faciles et/ou atteignables . Il vaut mieux valoriser une expérience trop facile, et renforcer positivement son chien, plutôt que lui proposer une expérience trop difficile qui peut le décourager. Ces nouvelles expériences peuvent être très variées, ça peut être rencontrer un animal inconnu, passer un pont, résoudre un jeu d’intelligence, prendre conscience de son corps ou simplement pratiquer une discipline (mantrailing, détection, hoopers, agility, dog dancing, frisbee, canicross, rally, etc) avec son chien ! Il faudra toujours valoriser les efforts du chien, même s’il n’atteint pas l’objectif que vous souhaitiez. Dans ce cas, il sera judicieux d’analyser la raison de « l’échec » pour adapter le plan de progression. La réussite n’est pas la même pour tous, pour certains chiens marcher à côté d’un congénère sereinement demandera des mois voir des années de travail, mais ce temps de modification comportementale et émotionnelle aura permis de renforcer la compréhension et le lien du binôme!

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Nils en randonnée

 

  • Le pouvoir du choix

Il faudrait permettre régulièrement au chien de faire des choix tels que le chemin à prendre en balade, la friandise à mâcher, de travailler, de se faire manipuler (voir article sur le consentement), etc. Plus le chien pourra exprimer ses propres désirs, plus son humain sera habitué à observer les situations où le chien manque de confiance, pour pouvoir les décomposer à l’aide d’étapes faciles, rassurantes et réussies !

On peut également adapter l’environnement et anticiper pour permettre au chien de faire le bon choix durant son éducation, et ainsi encore renforcer sa confiance en lui. Par exemple avec un chiot qui découvre son environnement en le mettant en bouche, on va enlever de sa portée tout ce qui peut présenter un intérêt masticatoire et laisser des jouets de goûts et de textures différents à portée, et féliciter lorsqu’il mordille un jouet !

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Hestia qui me demande un câlin

 

 

Ce manque de confiance en lui, entraîne le chien a avoir une mauvaise gestion des émotions et donc à ne pas réagir de façon adaptée face à une situation. Attention également aux chiens très conditionnés, limite robotisés, à proposer certains comportements. C’est peut être « pratique » dans la vie quotidienne, mais comment le chien réagira-t-il face à une situation inconnue ?

 

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Dzeus, Django, Oslo, Nazca et Orion

Les chien-loups américains (AWD)

69212684_448106472704734_6040385126842499072_nLes chien-loups américains sont de plus en plus connus, c’est pourquoi il me semble utile de vous proposer cet article sur les bases à « connaître » avant même d’imaginer  acquérir un AWD (American WolfDog) !

La législation française

La législation Internationale s’appuie sur les textes émis par la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction) qui n’autorise la détention de chiens-loups qu’à partir d’une filiation F5. On évoque ici des animaux qui n’appartiennent pas aux deux races reconnues par la FCI (Fédération Cynologique Internationale), à savoir le chien-loup Tchécoslovaque et le chien-loup de Saarloos.

Un  hybride F1 est un croisement d’un loup avec un chien. Un F2, un croisement d’un F1 avec un chien, ainsi de suite.  Attention un individu F7 croisé avec un F1 donnera un F2. De plus cette classification n’est pas corrélée au contenu de « gênes de loup » que possède un chien-loup. Le pourcentage transmis aux descendants n’est en effet pas proportionnel. Un F1 n’aura pas forcément 50% de « gênes » de loup, cela dépend quels gênes ont été transmis, et par qui. Deux individus à faible contenu en revanche, vont forcément produire des individus à faible contenu.
En France, selon l’Arrêté du 19 mai 2000 soumettant à autorisation la détention de loups : « La détention de loups vivants de l’espèce Canis lupus, y compris des individus hybrides dont l’ascendance récente comporte un loup, est soumise à autorisation préfectorale en application de l’article L. 212-1 du code rural. »

Cette classification est sujette à débat à cause du manque de données et de textes législatifs précis. Certaines personnes choisissent donc de ne pas en tenir compte et certains chien-loups sont toujours en attente de décisions administratives les concernant.

Le traçage et la filiation ADN sont nécessaires sur au minimum 5 générations si vous souhaitez acquérir un chien-loup aux origines non identifiées. Pour les chien-loups Tchécoslovaques et les chien-loups de Saarloos qui sont des races de chiens reconnues par la FCI, cette filiation n’est pas obligatoire, mais recommandée pour éviter tous problèmes. Un élevage sérieux veillera à vous la fournir !

 

Le contenu de loup

Suivant la quantité de gênes de loup qui leur sont transmis, les chiens-loups, dont les  AWD, peuvent appartenir à l’un des trois groupes suivants :

  • les bas contenus : entre 5% et 39% dont font partie les chien-loups Tchécoslovaques et les chien-loups de Saarloos
  • les moyens contenus : entre 40% et 79%
  • les hauts contenus : entre 80% et 99% qui sont assez rares en France et ont des comportements très particuliers !

Le but reste, dans tous les cas, d’avoir des animaux avec une apparence lupoïde et un caractère accommodant du moins dans ce qui concerne les bas et moyens contenus

En Europe trois lignées principales sont connues : la lignée Spencer (issue de l’élevage de madame Vicky Spencer), la lignée Northaid (issue de l’élevage de Mark Klemperer) et la lignée Noblepaws.

Wotan

Le caractère

En général plus un chien-loup est lupoïde physiquement, plus son caractère gagne en intensité par rapport à celui d’un chien. Donc plus il est lupoïde, plus ses instincts sont forts et plus son lien à l’humain est faible s’il n’a pas été travaillé correctement et consolidé. Pour pouvoir gérer un chien-loup, il est conseillé d’avoir de solides connaissances du langage canin, de solides moyens financiers, des nerfs bien accrochés et de la cohérence, de bonnes infrastructures et de se remettre en question fréquemment ! Plus le contenu est élevé, plus tout ceci est nécessaire.

 

  • Imprégnation

Un chien-loup à haut contenu, voire à moyen contenu, aura besoin d’être imprégné pour pourvoir vivre aux côtés d’humain. Cette imprégnation s’effectue à partir du huitième jour suivant la naissance des chiots, avant l’ouverture des yeux. Ils vont être séparés de la mère et nourris au biberon pour pouvoir s’attacher aux humains. Certains éleveurs recommandent même de ne pas trop les socialiser avec leurs congénères pour qu’ils restent proches de l’humain…. Tandis que d’autres éleveurs n’hésitent pas à élever les chiots conjointement avec la mère.

 

  • Wolf Winter Syndrom

Tous les chien-loups à haut contenu, ainsi que certains moyens contenus et chien-loups de Saarloos présentent ce qu’on appelle un « syndrome hivernal ». Ces individus vont avoir une montée d’hormones durant l’hiver (la période de reproduction des loups), qui va entraîner une irritabilité des mâles et des femelles durant les chaleurs. Cette irritabilité peut être compliquée à gérer vu la puissance et la réactivité des individus, c’est pourquoi des infrastructures, des connaissances et des compétences sont nécessaires pour éviter tout accident.

Snow

La santé

Il faut tenir compte des maladies auxquelles sont sujettes les races à l’origine des lignées :

  • La myélopathie dégénérative (MD)
  • La dysplasie des hanches et des coudes
  • Le nanisme hypophysaire (NAH)
  • La présence du gêne MDR1 pour une possible sensibilité médicamenteuse.

N’hésitez pas à demander à votre élevage les tests de santé des ascendants.

 

 

En France, on trouve majoritairement des « mix », c’est-à-dire des chien-loups américains retrempés avec des chien-loups Tchécoslovaques, avec du Berger Blanc Suisse ou avec des chiens nordiques.

N’hésitez pas à rencontrer des propriétaires de chien-loups américains de plus de 3 ans pour bénéficier de leur expérience et de leur vécu au côté de ces individus particuliers !

Un chien-loup quelque soit son contenu, correctement travaillé, respecté et aimé, sera fusionnel avec son humain, ce qui sera un réel bonheur si celui-ci y est préparé et prêt à quelques sacrifices.

Merci aux personnes m’ayant aidé à écrire cet article ❤

 

Nathorod

Difficultés d’éducation d’un chiot (chien-loup)

  • L’éducation d’un chiot pour une adolescence « tranquille »

Un chiot de n’importe quelle race est en général adorable et quasiment parfait jusqu’à ses 7/8 mois. Il va mordiller, apprendre la propreté, faire ses dents sur certains objets, etc ; mais ces problèmes sont considérés comme normaux. Les propriétaires ne tiennent alors pas compte des mises en garde et considèrent que leur chien restera aussi parfait en grandissant.

Les erreurs d’éducation vont apparaître à l’adolescence avec l’apparition du caractère et des hormones. Les mordillements de jeu qu’on a laissé passer sans les canaliser deviennent plus intenses, plus fréquents et blessent. Les destructions mal gérées deviennent une habitude pour décharger les tensions ou tuer l’ennui, et les dégâts sont plus importants. Le chien mal canalisé devient réactif en laisse et compliqué à sortir.

Malgré une idée reçue, la socialisation ne fait pas tout. Il faut surtout pouvoir capter l’attention du chien et la garder malgré les stimulations. La peur des étrangers peut virer en agressivité si elle est mal gérée. Par exemple, si le chien est forcé au contact ou si le maître bloque les mouvements de peur de son chien pour éviter les écarts brusques, ce qui tétanise le chien et fige les peurs.

Régulièrement, les chiens font de l’hyper-attachement et de l’anxiété de séparation. Les gens veulent une relation fusionnelle avec leur chiot mais à l’adolescence le chien n’accepte plus les séparations. Il les vit très mal car il a besoin de se sentir intégré dans un groupe. En tant qu’adolescent son statut social n’est plus le même qu’en tant que chiot, l’exclusion du groupe est lourde de conséquences dans son esprit.

Les chiots qui ne côtoient pas régulièrement d’adultes bien codés et équilibrés, vont avoir des difficultés à gérer leur excitation et vont manquer d’autocontrôles. Entre chiots, ils vont s’exciter mutuellement, mais ne vont pas apprendre à s’arrêter avant d’aller trop loin. Même s’ils sont isolés des autres chiots lorsqu’ils sont trop bruts, l’action humaine est moins efficace et amène surtout de la frustration.

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Une cause principale d’échec est l’incapacité des propriétaires à faire le deuil de la relation avec leur chiot, quand celui-ci devient ado. Ils n’acceptent pas de perdre cette relation magique où tout était facile, et ne parviennent pas à construire une autre relation plus contraignante et qui nécessite des sacrifices. Inconsciemment, ils n’acceptent pas de perdre leurs « acquis », voudraient que le chien reste facile comme un chiot. Ça conduit parfois les gens au déni, ça brouille leur capacité à observer et à comprendre le comportement évoluant de leur chien. Ça les empêche de remettre en question leurs certitudes erronées, et d’identifier les problèmes, d’en prendre la mesure. Plutôt que de reconnaître et accepter qu’ils se sont faits des illusions, qu’ils ont fait des erreurs et de les corriger, ils vont trouver des justifications contestables et s’éloigner de la compréhension de leur chien. Ils vont manquer d’objectivité et passeront à côté des vrais problèmes et de leurs solutions. Ils vont gérer les conséquences plutôt que de résoudre les causes, ce qui est généralement de plus en plus inconfortable pour le chien et son propriétaire. C’est un cercle vicieux dans lequel tombent beaucoup de propriétaires de chiens de toute race, les propriétaires sous-estiment la gravité de certains comportements « inadaptés », et réagissent trop tardivement.

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  • Les particularités des chien-loups :

Chez le chien-loup, ces conséquences sont souvent plus pénibles, et les propriétaires vont souvent mettre encore plus de temps à réagir parce qu’ils seront bridés par leur fascination pour cette race, et surtout par le regard des autres. Les propriétaires vont supporter plus de désagréments avant de réagir parce que la fascination que suscite leur chien chez les autres va les griser, et les poussera à accepter toujours plus d’inconfort en échange. Jusqu’au jour où il y aura saturation.

Les particularités des chiens-loups sont essentiellement dues à leur aspect lupoïde et à l’effet que cela produit sur les personnes. Certains propriétaires aiment voir des comportements de « loup » chez leur chien, et vont donc renforcer des mauvais comportements sans s’en rendre compte, et sans vraiment comprendre ces comportements. Les chien-loups n’ont pas de comportements de loup, ils sont seulement un peu plus influencés par leurs instincts, ils n’ont pas besoin d’avoir un maître qui soit un « mâle alpha » !

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Il y a aussi le mythe qu’un chien-loup est craintif (comme un loup) ! Selon certains propriétaires, un chien-loup n’est pas adapté à une vie domestique au sein de la famille comme tout chien de compagnie ! Ainsi ces propriétaires, n’assument pas leurs échecs concernant la socialisation de leurs chien-loups. Selon eux, s’ils n’arrivent pas à socialiser leur chien c’est parce que c’est dans la race, il n’y a rien à faire. Donc pas de remise en question, pas d’évolution possible.  Attention, la réserve est à différencier de la crainte !

Ces erreurs du maître ne concernent pas que les chiens-loups, mais comme les chiens-loups ont du loup, elles sont exacerbées sur ces races. Pour certains propriétaires, c’est très valorisant d’avoir un chien-loup alpha/dominant. Ils se construisent tout un mythe autour de leur animal, mythe qu’ils ont beaucoup de mal à remettre en cause, et le regard des autres a parfois une très grande influence sur ces difficultés de remise en question. L’humain aime les mythes, les histoires extraordinaires qui fascinent quand on les raconte. Quand on a un chien-loup on rencontre souvent des gens qui projettent des mythes sur nos chiens : « c’est un mâle alpha ? », « il faut le dominer, lui montrer que c’est vous le chef », « il fait le loup à la pleine lune ? », etc. Le public veut une histoire extraordinaire à raconter, même si on casse ces mythes, les personnes vont quand même insister sur leur version, et ignorer nos propos. Ça peut pousser certains propriétaires de chiens-loups à donner satisfaction au public, ce qui peut être très gratifiant comme expérience. Pour les propriétaires adeptes de la théorie du mâle alpha ces rencontres avec un public avide de spectaculaire les confortent dans leur vision et agissent comme un auto-renforcement.

Article coécrit avec Elsa Resurgo.

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